news monkey / Posté le 10 août 2021
Il est facile de se donner bonne conscience en tant que cycliste. Nous pratiquons une activité qui ne pollue pas et qui peut pour certains déplacements remplacer un véhicule polluant.
Pourtant la production des vélos a une empreinte écologique importante et ne parlons pas de l’approvisionnement en matières premières. L’industrie du vélo s’est très peu souciée de la problématique environnementale, mais les lignes évoluent et plusieurs marques commencent à s’en inquiéter. Les plus cyniques ajouteront que c’est un excellent argument de marketing, pas seulement.
Voici ce qui pose problème :
– L’exploitation des ressources (par exemple, le lithium pour les batteries)
– La production qui utilise des matières premières non renouvelables (carbone, fibres synthétiques à base de pétrole pour vêtements…)
– L’impact des transports entre l’Asie et l’Europe car presque tout est produit en Asie.
– Les emballages en plastique.
– L’absence d’obligation de recyclage à l’exception des batteries.
– Le respect de normes de travail et l’absence de protection sociale.
Aujourd’hui, tout le monde cherche des solutions soucieuses (eco-friendly) de l’environnement pour porposer des produits durables. La crise du Covid-19 a accentué la prise de conscience, mais surtout celle de notre dépendance par rapport à l’Asie.
Depuis plusieurs années, il existe une volonté de produire en Europe, mais rétablir une production demande des années de préparation et d’organisation d’un processus de production qui est différent de l’Asiatique ou le coût de la main d’œuvre n’est pas un souci.
Le projet Bike Valley Portugal devrait permettre de produire des centaines de milliers de cadre en aluminium d’ici peu. D’autres projets de productions sont en cours dans les pays de l’Est.
La production des cadres en composite est plus compliquée car un cadre en carbone requiert près de 40 heures de labeur. C’est impayable en Europe. Il faut donc revoir le processus de fabrication et développer de nouvelles technologies.
Les initiatives ne manquent pas, mais restent des productions limitées : Hope, Unno, Rein4ced, mais c’est un début. Le plus connu est la marque américaine Ibis fabrique son premier modèle carbone ‘in house’ en Californie. Pour y parvenir, la découpe au laser des tissus de carbone permet de gagner du temps et de limiter le nombre de couches et par conséquent la main d’œuvre. Un moule avec le système de chauffe intégré réduit la consommation et le temps de cuisson.
Une industrie qui fait des efforts est celle du vêtement cycliste. Vous pouvez facilement choisir des vêtements tissés et cousus en Europe. C’est écrit sur les étiquettes. Italie et Espagne sont les principaux producteurs. Ensuite, les marques commencent à communiquer clairement sur l’origine de leurs tissus comme Gobik ou mieux encore Vaude qui utilise des matériaux recyclés biobased. C’est déjà le cas à 98% pour la bagagerie de la marque. Leur site est riche en informations sur le sujet.
Serait-ce possible pour le hardware ? Oui, des sociétés insistent sur leurs valeurs. Cela commence par le respect des travailleurs et des normes sociales : assurances médicales, protection sociale, congés payés, plan pensions.
Un nouveau producteur va très loin dans ce sens. Il s’agit de la marque suisse Fair. Sur le site, la marque publie : la liste de ses fournisseurs, ses salaires, le nom des banques, la liste des vols en avion, la déclaration de l’origine de l’électricité produite…
Ceci permet de garantir une économie circulaire. Le produit est également garanti comme recyclable. Bien entendu, c’est facile pour une société qui ne propose qu’un seul produit, mais en partant sur ces bases, il sera facile de l’appliquer à chaque produit et c’est un exemple à suivre pour d’autres sociétés. Hope en Angleterre est également un bon exemple.
Les initiatives en tout genre arrivent.
Le producteur anglais de solutions de nettoyage MucOff arrive avec un nettoyant exempt de plastiques (Punk Powder), une poudre rose qu’il faut allonger avec de l’eau. Biodégradable et faite à base de plantes pour 75%. L’emballage est recyclable et fait à 50% de matériaux recyclés.
Plus léger, Muc-Off réduit son empreinte carbone, mais également ses coûts.
Pour aller plus loin dans sa démarche, Muc-Off propose une bouteille en aluminium sans silicone pour une réduction des emballages de 92%.
Muc-Off a un programme qui vise à réduire de 200 tonnes de plastique sa production. C’est une tendance observée chez de nombreuses marques et certaines l’ont initiées depuis de nombreuses années comme Fizik.
Côté vélo, aux Etats-Unis, Trek veut apporter sa pierre à l’édifice de la lutte pour le climat.
Le président de Trek avoue n’avoir pris conscience des enjeux climatiques que depuis 2019.
Trek a commandé en 2020 un audit qui pose 10 actions. Le rapport intégral peut être téléchargé ici.
10. Réduire le transport aérien. Le transport est ce qui possède la plus grosse empreinte écologique dans le business de Trek et l’aérien a une empreinte 84 fois supérieure au bateau. Trek s’engage à réduire le transport aérien de 75% d’ici 2024. Il faut savoir que les problèmes de stocks et le manque de containers a poussé les marques à accroître le transport par avion pour satisfaire la demande. Pour y parvenir, il faudra mieux prévoir la demande et anticiper les livraisons.
9. Consolidation des envois aux revendeurs. Par exemple, en ne faisant qu’une livraison par semaine.
8. Accroître l’utilisation d’énergie renouvelable. Trek y arrivera facilement à 100% pour ses bureaux américains et européens, mais cela ne résout pas l’énergie utilisée dans les usines sous-traitantes.
7. Réduire les voyages professionnels qui représentent 7% des émissions.
6. Employer des matériaux alternatifs : recyclés, recyclables, reconditionnés. Aujourd’hui Trek propose 15 produits de ce type pour le plastique. Cela concerne par exemple des porte-bidons.
5. Créer des processus de fabrication sans déchets dans les usines.
4. Développement de trails. Limité aux USA
3. Eliminer les déchets en plastique. Depuis 2020, Trek a réduit de 200 tonnes ses déchets plastiques en les éliminants des caisses de vélos.
2. Développer les vélos partagés. Trek possède aux Etats-Unis sa propre marque BCycle pour réduire les déplacements en voiture.
1. Faire du lobbying pour le vélo et son utilisation en ville. Ce point n’est pas sans importance. Le lobbying de l’automobile est non seulement puissant mais envahissant et très agressif envers le vélo. Pour le contrer, une alliance en ce sens des producteurs de vélos est nécessaire.
Outre ces constats, le rapport de Trek est intéressant par les chiffres qu’il communique.
Les émissions carbone de Trek en 2019 s’élevaient à 300.000 tonnes. Pour comparer, cela équivaut à l’empreinte de 65.000 véhicules automobiles de tourisme. Dans ces 300.000 tonnes, près de 250.000 résultent de la production de vélos. Le modèle le plus polluant est le modèle d’entrée de gamme, le Marlin car c’est le plus vendu et il est donc produit en grandes quantités.
En tant que tels, les modèles avec la plus grande empreinte sont les E-VTT Rail en carbone avec 229 kg de CO2.
L’empreinte d’un Marlin est de 116 kg de CO2, celui d’un Madone de 197 kg (29% des émissions viennent du carbone).
Faut-il arrêter de rouler ?
Non. Trek a calculé combien de kilomètres il fallait parcourir pour compenser la production d’un vélo. La réponse : en moyenne, si vous effectuez en vélo 700 km que vous auriez parcouru en voiture ou avec un moyen de transport motorisé, vous compensez alors le carbone qui a été nécessaire pour produire un vélo.
Il va de soi que faire une randonnée en vélo ne compte pas. Le but est de réduire son empreinte carbone en réduisant ses trajets qui utilisent des carburants fossiles.
Selon Trek, une modification de 1% des déplacements de la voiture vers le vélo aux USA résulterait en une réduction carbone 17 fois plus importantes que celle totale de Trek.
Même si le vélo n’est pas l’industrie la plus polluante, tout changement ne peut être que positif. Mais chacun doit commencer par changer ses comportements et cela passe aussi par une sélection de ses achats en privilégiant les sociétés qui font des efforts en termes d’environnement et de respect des personnes. A suivre et à méditer.